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L’Équilibre de NASH : Un Risque Sous-Estimé en Entreprise

Dernière mise à jour : 23 juin


NASH en Entreprise
NASH en Entreprise

Dans les entreprises bien établies, chacun fait généralement bien son travail :- Le service commercial vise à atteindre ses objectifs mensuels.- Le marketing cherche à préserver l’image de marque.- La finance veille à ne pas mettre en péril la trésorerie.

Tous sont compétents, disciplinés, guidés par les données, et convaincus d’avoir raison.Pourtant, malgré cela, quelque chose cloche. Cela se ressent dans la communication interne… et surtout dans la trajectoire globale de l’entreprise à moyen terme.

Comment expliquer ce paradoxe ?Chaque responsable prend la meilleure décision possible pour lui-même, partant du principe que les autres ne bougeront pas.Le résultat : un « équilibre » dans lequel aucun acteur ne peut améliorer sa situation en modifiant seul sa stratégie.C’est ce qu’on appelle, en théorie des jeux, l’équilibre de NASH.

Mais derrière ce mot rassurant d’« équilibre » se cache une réalité : cette situation n’aboutit pas toujours à un bon résultat.Car pour qu’un système progresse globalement, il faut pouvoir collaborer, faire confiance, ou revoir les règles du jeu — ce qui est souvent impossible.

Conséquences concrètes ?- Le commercial veut accélérer la campagne et séduire avec des remises.- Le marketing s’y oppose, par crainte d’éroder le positionnement premium de la marque.Résultat : messages contradictoires pour le client, campagne peu convaincante, ventes décevantes, image ternie.Personne ne veut faire le premier pas. Car si les autres ne changent pas, céder revient à perdre.

Et ce n’est pas qu’entre vente et marketing.Prenons l’exemple vente-finance :- Le commercial poursuit une grosse commande nécessitant des conditions avantageuses.- La finance, prudente, évoque les risques de trésorerie et de délai de paiement.Vente insiste, finance campe sur ses positions.

Résultat : la commande est confirmée mais l’encaissement devient difficile… ou bien la commande est perdue, et avec elle une opportunité de croissance.Encore une fois : chacun a ses raisons. Mais le système en souffre.

 

Même dans les fusions-acquisitions, on retrouve cet équilibre de NASH.Le CEO de l’entreprise acheteuse peut privilégier un scénario flatteur pour sa propre carrière.L’entreprise cible, surtout dans les premiers temps, adopte une posture conciliante pour limiter ses pertes.Les consultants ? Ils enjolivent les scénarios en minimisant les risques évidents, plus motivés par leurs propres intérêts que par la viabilité du projet.Leur but réel : raconter une belle histoire stratégique.

(Il m’arrive de penser à cette phrase, parfois attribuée à Churchill :« Peu importe à quel point une stratégie semble brillante, il faut de temps en temps regarder les résultats. »)

En fin de compte, la majorité des fusions créent bien moins de valeur qu’espéré.

Alors que faire ?Le rôle du leadership ne consiste pas à désigner « qui a raison », mais à changer la structure du jeu.

Prenons un exemple concret, certes fictif, mais tout à fait réaliste.Nous sommes dans une entreprise technologique. Pression sur la performance généralisée.

Les départements s’expriment :

·        Ventes : « Ce produit est trop cher chez les concurrents. Lançons-le avec une campagne agressive. Le volume est notre priorité. »

·        Marketing : « Cela nuira à notre image premium. Le budget campagne est déjà serré. À ce prix, impossible de construire une image dans notre segment cible. »

·        Finance : « Le budget est contraint. Ne compromettons pas la trésorerie. La marge est critique. »

·        Production : « Pourquoi pousser le produit X au lieu du Y ? On a investi dans nos usines pour Y, il nous faut du volume. X est peu rentable et fait paraître l’usine inefficace. »

Chacun a raison… de son point de vue.Chacun veut éviter d’être le maillon faible à la prochaine réunion de direction.Résultat ?Tout le monde se retranche. Les opportunités s’évaporent.Et à force de répétition, la situation bascule en “Mexican Standoff” (ou impasse stratégique) :Quatre personnes se tiennent en joue.Personne ne tire le premier, de peur que cela déclenche la fin pour tous.Et donc… rien ne bouge.

Traduction en langage corporate :

·        Chacun maintient sa position.

·        Personne ne veut encaisser de pertes.

·        Mais le système, lui, perd lentement mais sûrement de la valeur.

·        Pire encore : la confiance interne s’effrite.

La bonne nouvelle ?Cet équilibre négatif, peut être rompu… en changeant les règles.

C’est là qu’intervient le RGM (Revenue Growth Management).Pas un médiateur — un architecte du jeu.Sa mission : construire une stratégie commune au sein de l’organisation.

Comment ?

·        En équilibrant ventes, prix, promotions, marges et gestion des catégories.

·        En rendant visibles les priorités de chaque département sur un seul tableau de bord.

·        En prenant des décisions basées sur des données et des scénarios.

·        En ne tranchant pas simplement entre “réduction ou prestige ?” mais en redéfinissant la question.

Grâce au RGM, les acteurs ne voient plus seulement leur coup suivant —ils comprennent enfin l’ensemble du jeu.


Comment l'équilibre de NASH apparaît-il dans les fusions d'entreprises ?

Sur le papier, les fusions paraissent souvent « logiques ». Mais si chaque partie cherche à justifier sa propre position, le système ne peut pas avancer. Lorsque les deux parties sont de taille comparable, l’équilibre de NASH s’enracine encore davantage.

Chaque partie fait le choix le plus rationnel pour elle-même, en supposant que l’autre ne changera pas de position. Mais une fois réunis, ces choix peuvent ne pas générer de valeur globale.

Par exemple, une partie prend les devants avec ses processus, tandis que l’autre cherche à s’imposer par sa rentabilité. Résultat ? → Une structure hybride, un leadership complexe, une intégration retardée.

Les consultants travaillent en général avec de bonnes intentions. Cependant, si les deux parties sont trop enthousiastes à l’idée de fusionner, les projections des équipes peuvent devenir trop optimistes. Dans ce cas, le réflexe des consultants à remettre en question s’affaiblit. Les questions difficiles sont repoussées. Et le potentiel de synergie reste inexploité.

Alors, comment corriger cela ?

  1. Une réalité stratégique plutôt qu’une symétrie artificielleIl faut clarifier, avant de prendre les décisions, dans quels domaines chaque partie est plus forte :

    + Discipline des processus ?

    + Adaptation au marché ?

    + Ressources humaines ?

  2. Répartition basée sur les indicateurs, pas sur les rôles

    Plutôt que de demander "Quelle entreprise fournira le PDG et les postes clés ?" , il faut poser clairement dès le départ : "Quelle partie sera responsable de quels critères de performance ? "

    Par exemple :

    + Qui garantit l’efficacité operationnelle ?

    + Qui pilote l’innovation ?

    + Qui gère l’expansion des canaux ?

  3. Construire une carte de valeur commune dès le départ avec le RGM

    + Dans quels segments allons-nous croître ?

    + Quelles catégories seront prioritaires ?

    + Comment répartir les décisions sur les marges, les investissements, les remises ?

    Tous ces choix stratégiques doivent être scénarisés dès le début avec une approche RGM (Revenue Growth Management).

  4. Responsable de l’intégration : une équipe interne, neutre et mandatée La vision des consultants est précieuse, mais ils peuvent être poussés à proposer des scénarios trop positifs. Il faut donc une structure interne, neutre et légitime, qui mène l’intégration et intervienne aussi sur les enjeux stratégiques, pas seulement opérationnels :

    + Suivi des KPIs

    + Suivi de l’alignement culturel

    + Objectivation des décisions

    + Gestion des écarts aux objectifs

    + Détection de nouvelles opportunités

    + Redéfinition de la structure si besoin

En résumé, l’équilibre de NASH est peut-être peu visible dans les fusions, mais son effet est redoutable. Les parties peuvent être de bonne foi. Les consultants peuvent être orientés solution. Mais si la « bonne structure » n’est pas mise en place, le processus se fonde sur des suppositions, et non sur la bonne volonté. Et si ces suppositions ne sont pas remises en cause… aucune valeur ne sera créée.

 
 
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